Guédelon, maison de Colette, patrimoine et jolie campagne à 2h30 de Paris.
En juin 2015, alors que nous étions dans les travaux jusqu’au coup et que le tourisme local n’était pas du tout à l’ordre du jour, j’écrivais dans ce post « Guédelon, un chantier d’archéologie expérimentale » mon impatience de visiter ce lieu incroyable ainsi que les grottes d’Arcy-sur-Cure. 7 ans plus tard, alors que nous prenons à présent le temps de découvrir notre nouvelle région, Benjamin me faisait la surprise, pour mon anniversaire, d’un week-end de rêve avec au programme tout un itinéraire enchanteur en Puisaye.
Bocages, forêts, étangs, vallons, on pourrait penser que la Puisaye, distante d’une grosse heure de route du nord du Morvan, ressemble à son voisin bourguignon et pourtant, il n’en est rien. Les cultures sont plus présentes en Puisaye, les vaches moins nombreuses, les reliefs moins marqués, les villages plus coquets et les châteaux plus nombreux. La Puisaye c’est une bien jolie campagne toute proche de Paris, une terre d’exception pour les potiers artisans d’art, une terre au patrimoine particulièrement riche.
Notre parcours sur 2 jours nous a permis d’avoir un bon premier aperçu car les distances sont courtes entre les différents endroits que nous avons visités. Nous qui aimons prendre le temps et ne pas courir d’une destination à l’autre, c’est surtout la météo qui a restreint nos visites : nous y étions en pleine canicule.
Guédelon a exaucé mon rêve le plus absolu : voyager dans le temps ! Si vous aimez l’Histoire, les savoir-faire ancestraux, la vulgarisation scientifique et les démarches pédagogiques, vous adorerez aussi. Situé au milieu de la forêt de Guédelon, sur une ancienne carrière de grès ferrugineux abandonnée dans les années 50, le château fort de Guédelon n’est pas une restauration mais bien une construction de toute pièce initiée il y a 25 ans par de doux rêveurs passionnés de patrimoine.
Le projet vise à construire, à partir des ressources locales (pierre, terre, bois), un château fort selon les techniques et avec les matériaux utilisés au Moyen Âge. Véritable immersion dans le XIIIe siècle, les visiteurs évoluent au sein des ateliers des différents corps de métier (carriers, tailleurs de pierre, maçons, gâcheurs, bûcherons, charpentiers, forgerons, potiers, vanniers, tisseurs…). Les artisans travaillent sous nos yeux, nous expliquent leurs gestes et répondent à nos questions.
Prévoyez une journée entière de visite en arrivant à l’ouverture. Je vous conseille vivement de commencer par rencontrer les « chroniqueurs de Guédelon », notamment le premier (celui tout près de l’entrée, à l’extérieur du château). Il vous donnera la big picture : une introduction générale à cette folle aventure et tout le contexte historique médiéval. D’un point de vue pratico-pratique : les espaces de restauration sur place sont agréables, les chiens autorisés et, même quand il y a une très forte affluence (c’était le cas le jour de notre visite), le site est fait de telle façon que ce n’est pas gênant du tout.
Comme ce n’est pas moi qui ai organisé ce week-end, je n’ai aucune idée des possibilités d’hébergements à proximité immédiate de Guédelon. Je puis par contre vous dire que le choix de Benjamin pour cet écolodge était une bien belle surprise. Toutes sur pilotis avec un espace détente en dessous, les cabanes et les tentes sont situées au sein d’un grand jardin peuplé de nombreux animaux (chevaux, moutons, chèvres, lapins, poules…). Dîner et petit-déjeuner, tous deux succulents, étaient composés de produits de petits producteurs locaux et de légumes issus du potager bio de la propriété.
Pour info, Benjamin avait choisi une tente « safari » : le « lodge de Perrine et Nanau« . Annoncé pouvant accueillir jusqu’à 8 personnes, il était parfait pour 2 en cette période de fortes chaleurs car la chambre adulte était en bas et qu’elle s’est bien rafraîchie durant la nuit grâce à la ventilation naturelle de la structure. Sachez cependant que si, hors canicule, il aurait été possible de coucher 2 enfants à l’étage, nous pensons que 2 adultes + 2 enfants, c’est le max pour y être bien ; 8, ce serait beaucoup trop. Prévoyez aussi des boules quies si vous n’avez pas l’habitude de dormir en pleine nature (quelques chiens voisins aboient, il y a un effaroucheur dans un champ tout proche et des écureuils courent sur le toit…) 😉
À 10 minutes à pied de l’écolodge, située sur la même commune rurale de Treigny-Perreuse-Sainte-Colombe, se trouve l’imposante forteresse médiévale de Ratilly, château de type philippien, qui a inspiré les plans du château de Guédelon !
Domaine privé occupé par la même famille d’artistes depuis 1951, Ratilly abrite un atelier de poterie qui permet aux visiteurs de découvrir les différentes étapes du métier de potier et d’acheter de belles pièces artisanales en grès (je vous mets le lien vers leur catalogue 2022 ici, petit crush sur leurs légumiers et leurs pichets à vin en ce qui me concerne). Ratilly est aussi un centre d’art vivant proposant des expositions, des concerts, des stages et des spectacles. La visite est libre mais, le château étant habité, les horaires d’ouverture peuvent être surprenantes (fermé le samedi matin par exemple selon la période de l’année), je vous conseille donc de consulter leurs horaires d’ouverture en amont, ici sur leur site.
Par curiosité, nous sommes allés à Saint-Amand-en-Puisaye car je savais que c’était LE village des potiers de la région. C’est en fait un gros bourg sans charme particulier (in my opinion) mais très intéressant pour quiconque s’intéresse de près à l’art de la poterie car la commune en a fait sa spécialité depuis le XIVe siècle. Son sol dispose en effet d’une argile exceptionnelle dite grésante. Labellisée « Ville et Métiers d’Art », Saint-Amand accueille un grand nombre d’ateliers et de boutiques et un imposant château Renaissance accueillant le Musée du Grès qui retrace plus de quatre siècles de poterie en Puisaye.
Si il y a bien un autre type de voyages dans le temps qui fait mouche à chaque fois c’est celui des visites de maisons d’artistes. Celle de la maison natale de Colette (dans laquelle elle vécut jusqu’à ses 18 ans) fut un ravissement. D’autant plus que le village de Saint-Sauveur-en-Puisaye est charmant et que la jeune conférencière était une excellente conteuse (visites guidées uniquement, départ en groupe toutes les heures).
Ouverts au public depuis 2016 seulement (le dernier occupant des lieux était un médecin), après 5 ans d’un lourd chantier de réhabilitation et de restitution, la maison et le jardin ont été fidèlement reconstitués d’après les écrits de Colette. Si la majorité des visiteurs viennent pour découvrir l’intimité de l’auteur et ce personnage littéraire à part entière qu’est cette maison du bonheur, ceux, comme moi, plus intéressés par la décoration en repartent tout aussi ravis. Le travail sur la création de décors à l’identique (réalisés par des maisons françaises ayant conservé des savoir faire d’exception), doublé d’acquisitions de pièces originelles d’époque (dont beaucoup ayant appartenu à la famille de Colette) permet de se plonger dans l’ambiance raffinée d’une maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle.
Notez que la commune abrite aussi le Musée de Colette plus accès sur son œuvre littéraire mais qui présente cependant une reconstitution de son appartement parisien du Palais Royal.
Autant Guédelon et la maison de Colette était au programme de notre séjour en Puisaye, autant nous ne connaissions pas l’existence de cette église. C’est sur les bons conseils du chroniqueur de Guédelon que nous sommes allés découvrir les exceptionnelles peintures murales médiévales qu’elle abrite (qui ont d’ailleurs inspiré celles de Guédelon).
Pendant des siècles, la Puisaye fut l’un des principaux centres d’exploitation de l’ocre, une teinture naturelle utilisée dans de nombreuses églises et chapelles de la région, du XIIe au XIXe siècle. Ironie de l’histoire, alors que nous visitions cette église sous une chaleur écrasante complètement anormale pour un 18 juin, nous apprenions que ces peintures furent révélées par accident à l’été 1982 suite à un printemps sec. Une partie du badigeon blanc qui recouvrait les murs de l’église depuis le XVIIIe siècle se détacha laissant apparaître un décor végétal à l’ocre et la silhouette d’un personnage. La restauration des peintures murales dura près de 12 ans et révéla 200 mètres carrés, soit l’ensemble de fresques le plus important de Bourgogne.
La bonne surprise pour nous fut d’y découvrir aussi un majestueux intérieur voûté en bois ainsi qu’un porche remarquable de style roman (appelé « caquetoire » : espace couvert, souvent en forme d’auvent, situé devant l’entrée de nombreuses églises, notamment dans le centre de la France). Et, accessoirement aussi, de profiter, l’espace de quelques instants, d’une fraîcheur inespérée.
Du château de Saint-Fargeau je savais qu’il avait été la demeure d’enfance de l’académicien Jean d’Ormesson et le personnage principal de son roman Au plaisir de Dieu, mais guère plus. Je ne le situais pas en Puisaye et je pensais qu’il ne se visitait pas. Alors qu’en fait, il est bel et bien en Puisaye et dans un très charmant village en plus. Non seulement il se visite mais en plus les chiens y sont autorisés et il y a même, à la nuit tombée, un grand spectacle historique de type « son et lumière » regroupant 600 acteurs bénévoles et une centaine de cavaliers. Tout comme celui de Ratilly, ce château a aussi inspiré Guédelon. Mieux que ça, ses actuels propriétaires, les frères Guyot, sont les deux hommes à l’origine du projet de Guédelon ! C’est suite aux résultats d’une étude archéologique menée à Saint-Fargeau que surgît, en 1995, dans les esprits brillants de ces deux « sauveurs de patrimoine » l’idée de bâtir un château fort.
De cette forteresse de briques roses du XVe siècle, Benjamin et moi n’aurons vu que la façade donnant sur le village et la cour intérieure redessinée au XVIIe siècle par Le Vau. Les appartements du château sont meublés et sa charpente est remarquable mais, quand on nous prévînt qu’il y régnait 45°C le jour de notre venue, nous préférâmes remettre à un séjour ultérieur en Puisaye notre visite. Peut-être y logerons-nous d’ailleurs car une petite suite ayant gardé le charme désuet de son décor d’origine XVIIIe (dont un lit à baldaquin et une salle de bain ornée de vieilles faïences) fait office de chambre d’hôtes !
En organisant ce week-end surprise, Benjamin savait qu’en quittant la Puisaye, nous ferions une halte sur la route du retour à Arcy-sur-Cure, une commune non loin d’Avallon. Ce qu’il ne pouvait pas savoir, c’est que ce jour serait le plus chaud du printemps 2022. C’est une pure coïncidence si, sous près de 40°C, ces grottes que je rêvais de visiter depuis si longtemps allaient m’offrir un répit salvateur à 12°C en plus d’un émerveillement à jamais gravé dans ma mémoire.
Voici ce que cette plongée dans les entrailles de la terre m’a appris : il y a 150 millions d’années, la mer chaude qui recouvrait la région s’est retirée. La Cure, une rivière qui prend sa source dans le Morvan, a alors patiemment creusé les roches tendres de calcaire corallien, donnant ainsi naissance aux 11 grottes d’Arcy. Contrairement à Lascaux ou à Chauvet, les grottes d’Arcy sont connues depuis très longtemps (la première mention écrite date du XVIIe siècle) et l’on compte parmi ses visiteurs célèbres de grands Hommes comme Vauban ou Buffon.
Si elles témoignent d’une occupation humaine de plus de 200 000 ans, les peintures pariétales d’Arcy ne sont connues que depuis peu… Visitées depuis des siècles à la lumières de torches et de bougies, les parois étaient noires de suie. En 1976, on commença à procéder à un grand nettoyage avec de l’eau sous pression additionnée d’acide chlorhydrique. Oui oui, vous avez bien lu but, wait for it. Jusqu’en 1990 ce nettoyage au Karcher fût opéré régulièrement sans que personne ne remarque rien. Jusqu’au jour où une équipe de télévision locale en reportage positionna de gros projecteurs et qu’un œil avisé aperçu le profil d’un large bouquetin !
Bien sûr, on arrêta immédiatement les nettoyages grossiers et des peintures et des gravures (mammouths, mégacéros, oiseaux, poissons, ours, lionne…) furent progressivement et délicatement mises à jour. Il est fort probable que beaucoup restent encore à découvrir. En attendant, la Grande Grotte ornée d’Arcy abrite d’ores et déjà les plus vieilles peintures rupestres originales (- 33 000 ans) encore accessibles en France (les grottes de Lascaux et de Chauvet ouvertes au public sont des répliques). Autant vous dire que, comme tout notre itinéraire en Puisaye, je vous recommande ce voyage dans le temps exceptionnel !